vendredi 29 novembre 2013

Quand Zone interdite organise l'arrivée de clandestins pour un reportage


Après Libération qui paie 50 euros au père de Léonarda pour interroger la jeune fille, M6 est allé plus loin. Beaucoup plus loin.
 
Pour le tournage d’un reportage sur le périple de migrants africains transitant vers Lampedusa, les journalistes de l’émission « Zone interdite » sont entrés en contact avec trois Libyens en les poussant à faire le voyage. C’est en tous cas ce qu’affirme une enquête menée par Télérama, qui accuse clairement la production d’avoir promis monts et merveilles à ces gens pour les besoins d’un reportage, d’avoir payé leur transport illégal jusqu’en France puis de les avoir abandonnés à leur sort.
 
Selon Télérama, les journalistes sont allés chercher trois sud-libyens originaires d’Afrique de l’Ouest. Bien implantés et à la situation stable, Joseph, Émile et Élie ont cru aux belles promesses qui leur ont été faites. D’ordinaire, il est difficile et couteux de se lancer dans cette aventure mais avec des journalistes, c’est différent. « On a tout abandonné parce qu’ils nous ont promis des papiers, du travail, un logement en France », explique le trio. Et d’ajouter : « Ils nous ont dit que le producteur avait le bras long. Et qu’Olivier, ancien de la Légion, nous aiderait à y entrer… »
 
Selon les journalistes de Télérama, leur billet de train de l’Italie à la France a été payé par la production, chose non seulement contraire à toute déontologique mais illégale, et pourtant assumée dans le reportage… « Ne pas donner de fric, c’était l’ordre de départ. Mais en Italie on n’allait pas les laisser crever. Camille a appelé, j’ai dit on paie. J’assume », a expliqué le producteur, Tony Comiti. Cependant, les trois Africains ne sont pas de cet avis. Selon eux, l’émission a entièrement financé le voyage pour le rendre plus facile et donc, plus adapté à la durée de tournage.
 
Une fois arrivés en France dans la plus grande précarité, l’une des journalistes, Camille, les ramène cruellement à la réalité : « Ce n’est pas moi qui vous ai promis le paradis. Qu’est-ce que je peux faire pour vous de plus que ce que j’ai déjà fait ? Je n’ai ni argent, ni logement, ni influence, et une tonne de travail sur les bras [...]. Surtout que j’ai complètement troué mon compte en banque pour votre voyage. »
Devant cet état de fait, la production aurait même tenté d’acheter leur silence. « 5000 à 7000 euros » pour se taire, assurent les trois hommes. Sur Europe 1, Tomy Comiti, le producteur, réfute en bloc ces accusations. « C’est de la diffamation pure ! », a-t-il déclaré au micro de Jean-Marc Morandini. Mais Télérama maintient. « Nous maintenons d’autant plus ces affirmations que avons écouté l’enregistrement sonore de cette conversation », écrit le journal.
 
Au final, les trois clandestins ont décidé de déposer plainte contre X pour « aide […] à l’entrée et au séjour irrégulier, soumission à des conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine, risques causés à autrui, omission de porter secours et escroquerie ». Une procédure rare de la part de clandestins, mais qui souligne, selon Télérama, leur détermination à vouloir que justice leur soit rendue. « C’était un reportage pour les uns. La vie pour les autres », conclut Télérama.

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